Nicolas Rozier
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« The 15th », Wire

8/14/2021

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Mon premier Wire fut le titre : Ex lion tamer, l’un de ces brandons punks qui, surgis des entrailles d’un radio Londres rêvant tout haut le meilleur, se placent d’emblée, par l’énergie, au rang des champions rageurs, et par le style, au panthéon des joyaux inusables. Des années plus tard, entre 2018 et 2019, Wire et son chanteur Colin Newman furent les compagnons de mon roman d’Asphalte et de nuée. Un titre, en particulier, fut le générique des séances d’écriture : The 15th.  Extrait de l’album  154 (le nombre de concerts à l’actif du groupe en 1979), le titre possédait l’énergie et la facture en puissance de l’aventure cabrée vers laquelle tiraient mes phrases. L’accointance se jouait dans un sas émotionnel où le morceau cinglant et mélodieux ne relâchait jamais sa pression subtile, entre assaut désenchanté et harangue interloquée. Une interprétation datée du 1979, à la télévision allemande, dans l’émission Rockpalast, surligne ce climat de nerfs débridés sur fond de briques éclairées aux spots. Plus qu’un titre, le gang déclinait par son jeu, sa mise, son application et sa nervosité percussive, un milieu homogène, un quartier, une zone de haute tension et sa catégorie de personnages typés portant haut leur fierté insaisissable. The 15th scande les décharges d’une fiction elliptique inspirée d’un domaine où auraient sévi tempêtes électriques et rayons ionisant des centrales nucléaires.  Les membres de Wire ont choisi leur tenue de scène sans savoir peut-être, par ce soin apporté à la dégaine, à quel point ils portaient l’uniforme de cette fiction inédite. Tenues de guérilla urbaine, dira-t-on, gravures de mode punk ; plutôt arty et mods chez Colin Newman, « rock rebell » et banane dégrisée chez Graham Lewis ; en débardeur et poignets éponge pour un Robert Gotobed jamais remonté d’un concert en cave ; en chemise sombre faussement impersonnelle, celle du maniaque timide pour Bruce Gilbert. Mais à l’habit étudié que la guitare de forme extravagante, mi glam-rock mi hard-rock de Colin Newman, déphase déjà sérieusement, se mêle une espèce de grésil latent dans les coiffures, un reflet de crâne passé à l’électricité statique. L’impression de disparate, le cheveu ras de Newman et la quasi banane rock de Lewis, renversent les codes et les effets de reconnaissance, quelles que furent les modes houleuses de l’époque. Les quatre musiciens évoquent une délégation poétique venue d’une enclave nordique sans étendard reconnaissable. Non un poste avancé de l’underground mais un studio à parfaire, à inventer des profils de héros bien coupés. On pense carrosserie et finition vernis, du moins à une part métallique, ne serait-ce que dans l’affirmation vocale bien plaquée au microphone. En des gestes raides réduits aux poses retreintes de figurines articulées, ils se contorsionnent, ces héros sur la ligne de départ, à quérir un parcours, une mission élancée. Il y aussi, peut-être, tramant ce chant tressé de parties miaulées, de murmures aigus et d’envolées rauques, une oscillation, un détraquement tels qu’ils flottent dans l’accalmie d’une crise de nerf ou un songe d’androïde se rêvant humain. Mais Wire ne perle pas ainsi qu’une buée d’étage dans Blade Runner ; la bascule imminente dans l’abstraction ne se départit jamais d’une prise directe, très physique, rechargeant des batteries planeuses à la recherche d’un couloir aérien plus clair et tintant.
 Autour d’un air discrètement cruel, - que pour un peu on pourrait fredonner -, le chant noueux de Colin Newman rend un claqué de transistor admirablement fondu aux guitares, la même netteté de câbles giflés.
L’air de The 15th  planant sur d’Asphalte et de nuée lancine un modèle global, non strictement musical. Un programme dont la ligne mélodique préfigure de plein fouet les temps forts, les aérolithes de pur style. Ils sont encore amorphes, mais leur moule d’écho, sillages et esquisses au noir, les précède et les annonce de façon très prégnante. Ces poches et sillons d’aventure à venir n’ont rien de péripéties délimitées et circonstanciées, assorties de causes et de conséquences, ils s’apparentent à une technique de jaillissement appuyé, concentré sur des canaux très ciblés. Le live du Rockpalast met en évidence la touche excessive, épileptoïde, et le scrupule de netteté tranchante en chaque geste. The 15th, titre joué à la batterie, à la guitare, à la basse et au chant, donne l’exemple d’une existence rivée sur l’essai de cris, de détonations, de cognées, sans que le moindre de ces essais jetés soit livré à lui-même sur un mode d’improvisation. Dans ce titre extrêmement composé, chaque membre du groupe paraît rattraper et sauver au vol le coup de hasard tenté par son frère, et j’entends par coups de hasard ces effets de filins rompus convulsant en lanières et fouets de métal.
Le morceau pratique une forme de décollage en rase motte, il est dur mais il vogue. L’on dirait une extase plus belle d’être empêchée et reprise en boucle à son point d’élan. Le groupe, sur le fil du rasoir de son interprétation en direct de The 15th, au Rockpalast, confine à cette démonstration des zones sensibles en action appelée de ses vœux par Antonin Artaud dans Le Théâtre et son double. La carcasse musicienne du quatuor s’ébranle méthodiquement, comme si chaque musicien, jouant sa partie, s’appliquait à faire sonner tout son corps, pris comme une colonnes de vertèbres à l’acoustique véhémente. Sous les projecteurs et les spots de couleurs criardes, le découpage lumineux attise cette orchestration tout en fractions successives, comme si les faisceaux en pistaient les points de ruades anatomiques.
Le résultat superbe, moiré de lueurs, prospère au moins autant des notes jouées que de celles suggérées. Une véritable constellation d’étoiles neuves semble brasiller de Wire à la manœuvre, balisant depuis leur emplacement scénique, en une fondation éclair, un terre-plein naissant voué à devenir une île, une ruelle, une impasse des bas-fonds allumée de couleurs acides à mesure qu’on y progresse. Tel se développe The 15th, sur la ligne de crête fragile d’une désolation des beaux jours, harangue filée qui se découvre des ailes. Le couplet, ce lancinement saturé de grâce, semble le refrain et charrie l’accent d’une demande inquiète ou de mots lancés en l’air mais dont le poudroiement en étoile, lorsqu’il retombe, aurait la beauté d’une onction magique. La narration brève, énigmatique, prend de vitesse une romance, peut-être un tête-à-tête avec le miroir, par une séquence ponctuée de hoquets rétrospectifs. Romance d’une abstraction où il ne s’agit pas de conquête ou de séduction mais d’une espèce de bataille où un manque fondamental s’affronte lui-même. Il émane de ces paroles une sorte d’enfance du cœur où clignoterait en mots et en sons, l’essor mélancolique d’une jeune arlequin dans des décombres industriels. Une suite de salves coupées à bords francs où s’effaceraient toujours plus les bribes d’un drame, mais avec la conviction nue, dans la voix, d’une histoire qui avance, d’une histoire actuelle, toujours de mise.
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