Rencontre avec Nicolas ROZIER et dédicaces de "L'Île batailleuse" à la librairie Le Passage, Alençon1/4/2022
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Revue Europe Joyce/Ulysse/1922 : note de lecture de Fabien Aviet sur "D'Asphalte et de nuée" (2020)12/22/2021 Merci à Fabien Aviet qui aborde avec superbe "d'Asphalte et de nuée": |
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J'ai achevé la lecture de ton roman de "mésaventure", "D'Asphalte et de nuée", et je me suis vu sorti de ce bain de prose remuante bien rasséréné, avec la ferme conviction que ton imaginaire trouve dans cette forme de texte un terrain de jeu dense et idéal. Ce qui me plaît dans cette œuvre tient dans les environnements que tu ne cesses de décrire et dont les métamorphoses servent autant d'enveloppe que de parcours aux figures cherchant l'incarnation que de berceau au travail de ton écriture. Narwik paraît moins un bagne clandestin qu'une maternité des oubliés où quelques individus réunis par la force de l'abandon égrènent en eux et entre eux un tumultueux désir d'arrachement. Cette poussée constitutive du récit conduit ton texte à épouser la richesse la dynamique du roman d'initiation, genre dont le maniement précis des codes rappelle combien il permet d'exploiter intensément le caractère des personnages pour leur faire éprouver le pire et le meilleur d'eux-mêmes. Ces ombres cherchant à faire lumière de leur condition, quel qu'en soit le coût, ne se doutent pas que fuir ne leur servira jamais à rompre avec l'étanchéité du corps. Les paysages défilent, les aspirent plutôt, se teintent du reflet de leurs humeurs, jusqu'à l'inéluctable, dépeints grâce à un style plein d'acuité dans lequel je reconnais une gémellité avec ton œuvre picturale. Tu y requiers la même violence et le même éclat, puis tu t'efforces constamment, mots après mots, touches après touches, à déployer l'étagement des nuances de matières et de tensions dont ils sont faits.
Je reconnais bien évidemment certains emprunts- ton goût pour la série B, ses fulgurances esthétiques et rythmiques, ton attachement aux ambiances mystérieuses, à l'équivoque de certaines atmosphères mais aussi aux charmes luxuriants de l'utopie - mais ceux-ci sont plus le point de départ de (mes) rêveries personnelles que de références explicites- l'économie carcérale et l'époque de dépossession au début que commente ta description des cachots, des salles de torture et des jeunes aux abois m'ont autant fait songer à "Zéro de conduite" qu'à certains films d'Emilio Miraglia, de Sergio Martino ou de Dario Argento; pensées qui me reviennent avec l'évocation d'un obscur réalisateur italien, à la fin aussi dans les salles secrètes et menaçantes de la demeure de Rosalba, lieu également propice aux cérémonies rappelant presque l'exotisme de palais antiques tels qu'ils sont représentés dans certains péplums ou films de science-fiction. S'appuyer sur ces motifs et garder intacte ta fonderie de langage est une des forces de travail que tu mènes, car non content de donner au fond du roman sa nature de sujet concret, de permettre au lecteur de s'y accrocher, tu affirmes et remets au centre de l'écriture l'enjeu de trituration de la langue. Le titre résume assez bien ce parti pris d'ailleurs, l'éternelle opposition du sol au ciel te place dans la filiation "post-romantique-parnasso-décadente" qui n'est pas usurpée.
Pour autant les changements de tonalité sont bien présents. L'arrivée à la montagne, par exemple, est un passage particulièrement intéressant où, moins soumis à la pression, les personnages commencent à se singulariser. La rencontre avec l'explorateur, assez belle, presque irréelle, à la faveur d'un bivouac nettement amélioré, te révèle sous un autre jour, et il ne me semble pas t'avoir déjà lu sur un ton allant vers l'humour, l'incongru voire le burlesque. Cette légèreté soudaine ne sacrifie pas pour autant la précision du vocabulaire et la minutie habituelle avec lesquelles tu composes les images. Tes descriptions enivrantes de la montagne renouent avec la grande tradition humaniste et romantique qui voyait dans ces jardins d'altitude situés entre les fonds de vallée verdoyante et la face décharnée des cimes, de vrais havres de paix. Je connais bien ces territoires, leurs représentations stéréotypées, leurs puissances symboliques...Nulle surprise de te voir aussi utiliser les ingrédients du conte, autre genre important au sein duquel s'épanouissent les récits d'initiation, et en transposer l'énergie que ce soit pour caractériser les personnages - Rosalba dans ses rôles de veuve, de nymphomane, d'artiste et de prêtresse-, donner quelque horizon à l'histoire- la promesse d'initiation d'Henkel- ou créer l'action pure- l'attaque de l'ours.
Sacrée palette que ce roman dont je félicite la fraîcheur, qui pourrait néanmoins paraître difficile à suivre tant le cheminement à l'aveugle et le brouillard affectif qui impactent la petite troupe charpentent les pages. Bel assemblage de mots, belle suite de justes compositions, d'osmoses, qui ne cèdent jamais la structure du roman -bien saillante- contre d'absconses abstractions. J'ai toujours aimé te lire dans la prose. Ton appétence pour quelques personnes comme Artaud, Prevel ou Giauque, cette faculté qui t'est propre à mettre ton écriture au service de l'acharnement et du péril avec lesquels ils ont traversé leur vie, composé leurs œuvres, je la retrouve ici à portée des personnages, nourrissant leur contradiction d'aspirer aussi haut et de rester aussi bas, les faisant vivre leur liberté comme un sursis, comme une amplitude à la violente élasticité. Ce creuset de vallée aux atours séduisants devient le théâtre de leur tragédie rappelant qu'on ne se défausse ni des matières, ni du passé; nous sommes faits.
J'ai été agréablement surpris par le résultat de ce travail éditorial. La couverture en jette, mais nous avions je me souviens déjà discuté de l'importance et de la liberté de faire éclater ta peinture de cette manière. Le format du livre et la mise en page sont très bien, la police, la taille des caractères, l'en-tête ont été travaillés, pesés et choisis avec soin. C'est agréable à manipuler et à lire.
Jacques Cauda est écrivain, réalisateur de films documentaires, peintre et éditeur.

Dès les premières pages, le Nord (le mot) est venu vite jusqu’à moi. Monté comme des blancs en neige. Sans doute par les w et les k, qui sonnent viking… Narwik… Alliés à des photos vues il y a peu, photos faites par une amie qui a voyagé sept fois (dans sa bouche et) en Islande. Et le titre du livre de Céline qui a pourtant peu à voir avec votre d’asphalte et de nuée. Chez Céline le mot est musical, chez vous pictural. Il se mâche, se mange comme la peinture. J’ai toujours approché et rapproché la cuisine de l’atelier. La table : le tableau ! Le cuistot sort du néant l’animal mort comme le peintre sort son « objet » de son néant. L’un comme l’autre le donne à voir et à manger. Ne serait-ce pas aussi le sens de l’eucharistie ? Avale et tu verras !
Passé cette montée du Nord, j’ai dévoré. Appétit d’ado parmi vos ados.
Avec ce paradoxe, celui d’être et au Nord et dans un roman terrifiant dont la géographie est toujours méditerranéenne, Espagne, Italie, France du sud. J’évoque ici Walpole, Radcliffe, Lewis, etc. Leurs romans gothiques et leurs châteaux de la subversion qui chez vous sont des terrains dit vagues, hangars, no man’s land… où sévissent les sévices ! Château de Barbe-Bleue, château de Lacoste, Sade raconté à l’enfant que je suis (re)devenu à vous lire. Délicieusement terrifié par vos ogres, eux aussi dévorateurs aux mâchoires frénétiques ! Noir récit pour ma pupille noire du qui-vive ! Pensée en alerte filant entre vos lignes tendues comme des rets.
Après l’air normand et les forêts poisseuses, vous me conduisez, cher Nicolas, rue de Malakoff ! Avec Nettie nue sur le lit jambes écartées… Jeune fille en fleur prisonnière retrouvée (comme Albertine) qui à son tour va se retrouver mais à la montagne (Hautes-Alpes) parce qu’elle est plus minérale que l’arène de pierre, écrivez-vous. Que j’entends, à l’évidence, comme La reine de pierre (jeu vidéo pour ado) en écho à la conversation que nous avons eue samedi à Charenton sur vos figurines poussiniennes, moteurs à essence de votre roman gothique !
"Le Hameau"
Avale et tu verras, ai-je déjà dit. C’est pourquoi vous démarrez votre Hameau (un décor de cinéma… murmura Henning) par un banquet, une danse des plats. Pour voir. Voir des images des films. L’œil du bourreau, La jupe et le caveau ! Des pellicules du genre fameux, le giallo. Du roman noir au film jaune ! Dario Argento et Mario Bava y excellent ; ils ont l’œil sur l’ondulante Rosalba Strebel virtuose des parois et des volumes.
L’image avec la lettre et la lettre avec l’image (vaste programme !) au milieu desquelles j’ouis votre narrateur, deux points, ouvrons les guillemets :
«Au milieu du chemin entre les lettres
je me retrouvai par une forêt de béton
sans recours et sans base arrière
quoi ? un trou du fond du mur du fond ?
la voix peut-être perdue ?
ah ! dire
cette forêt d’images féroces et âpres
qui renouvelle la peur comme voir écrire
la pensée !
Oh si bonne peur que mauvaise l’est à peine plus
mais pour traiter du dire que j’y trouvai
je dirai des choses que j’avais peine à imaginer
mot vent flèche à l’assassin…. giallo
je ne sais pas bien redire comment j’y entrai
tant je fus plein de vigueur parlante
en ce point où j’abandonnai la voix intérieure
et j’entrai !
Je pris toutes les lettres
et toutes les images qui furent comme jetées au ciel
et de toutes les lettres et les images mêlées je fis
des images-lettres entortillées ensemble
tout autour de moi qui forçais
mille mots à mille pattes
et tant qu’une fumée couvrit mon corps
de nouvelles couleurs
du noir et du jaune qui firent pousser les mots
les uns sur les autres
sans détourner les yeux du trou
et ainsi d’être
au centre du milieu d’autour de moi… le narrateur… »
Et ainsi infiniment, jusqu’au cri jusqu’aux flammes !
Merci cher Nicolas pour ces bonheurs de lecture.

Peintre et écrivain, Nicolas Rozier à l'honneur en mars à la librairie La Curieuse d'Argentan
La librairie La Curieuse d'Argentan (Orne) fait venir en mars 2021 le peintre et écrivain Nicolas Rozier pour une exposition de ses œuvres et la dédicace de son premier roman.

Journaliste littéraire, écrivain et chroniqueur musical, Guy Darol collabore à Libération, au Magazine Littéraire, au Magazine des Livres, à la Revue des Ressources, à Muziq, à Jazz Magazine... Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages (romans, essais, dictionnaire, chroniques, poésie, études...).
"Une prose trépidante"
(...) Et j’entendais vibrer en te lisant l’équivalent des pièces les plus éruptives de Ligeti, les lignes hachurées et coupantes de Schoenberg dans ses œuvres pour piano. C’est donc une polytonalité de sons jouant en saccades de rythmes, et un dripping de plaies saignantes, de bosses bleues et noires. Un opéra où le vocabulaire, le phrasé, composent un récit secret remarquable derrière l’échappée en dérive d’une nef des fous aussi évocatrice de Bosch que de Penderecki, de Stanislas Rodanski que de Jean-Daniel Fabre - sans oublier Stig Dagerman et ses brûlures.
Le roman n’étant plus qu’une forme marchandise trompeuse depuis jolie lurette, ton livre s’impose immédiatement pour moi comme un phosphore de chance, une étincelle de revie. La littérature bouge encore dans les remous et tourbillons de D’asphalte et de nuée. Où la jeunesse n’est surtout pas prétexte à fiction de l’enfance en âge d’or. Il n’y a guère que certains récits de Michel Bernanos ou de William Golding pour peindre le versant anthracite du paradis vert.
Deux écrivains ont à mon sens relevé le roman en l’extirpant de la simple intrigue. Ce sont Julien Gracq et Maurice Fourré. Tu appartiens à cette fraternité de plume et de griffe où se combinent tous les éclats d’une prose qui se souvient des ressources de l’analogie dont le poème est la matrice. (...)
Ton livre est fait d’une riche matière qui appelle de multiples lectures, fécondes je pense, élogieuses je l’espère.
L'auteur, dans cet entretien, évoque la genèse de son texte et les liens qu'il tisse avec sa double pratique : l'écriture et la peinture.
L’Écrouloir, d’après un dessin d’Antonin Artaud, par Alain Virmaux, « Cahiers Roger Vailland »
9/19/2019

Alain Virmaux in « Cahiers Roger Vailland », n°29, sept 2011

Il y a derrière le noir de la couverture la couleur du sang qui gicle, comme giclait la pâte colorée du pinceau de Van Gogh, dans le recueil Vivre à la Hache de Nicolas Rozier, paru aux éditions de L’arachnoïde en avril 2017.Il y a aussi jusque dans le titre cette force de frappe poétique émaillant et éraflant le recueil, qui se compose de trois tableaux : « Scalp de Vulcain », « L’enfer est mort », « Je t’aime au feu ». Le poète s’est ainsi emparé du geste de l’artiste qui dans l’instant où il trace ses mots, conduit à l’expression d’un conflit : entre ordre et désordre, « vivre est une peinture de larmes », corps et cœurs s’écorchent au fer du langage.
« La poésie, c’est de la multiplicité broyée et qui rend des flammes »
Dans la lignée d’Artaud, qui figure en exergue du recueil, Nicolas Rozier met le lecteur à l’épreuve de la destruction : « Les mots sont tombés comme des hommes. »
La geste du poète consiste à extraire au prix du sang une énergie inhérente à la matière, rejoignant l’auteur de « L’Ombilic des limbes » dans l’obscure matérialité qui est celle tantôt de la langue tantôt des choses elles-mêmes :
« Je pense comme le fer
une pierre de fer ».
Matérialité aux limites mêmes du langage, épousant la rhétorique du chaos :
« Mais pour le fer qui pousse à vue
au fond de l’os martelé
Il ne faut rien ».
Saisi dans cette triple dimension, corporelle, épique et cosmologique, le poète devient l’incarnation terrifiante de la figure qu’on sacrifie et qu’on assassine, n’ayant « qu’un trou pour les yeux et la bouche/et il parle avec ça » – le motif de l’abattoir venant s’associer à celui de la croix
« Le FIN MOT des clous de la croix
en bois de ciel ».
Vivre requiert l’incorporation absolue du mal ; un des poèmes induit dans l’ironie de son titre cette injonction tragique : « Vous reprendrez bien un peu de potence ? ».
Mais le froid de la lame et l’effroi solitaire ne sont pas les maîtres mots du recueil. Il y a une autre puissance à l’œuvre convoquée par le poème, alchimique, féminine, minérale et sensuelle, hors du lieu comme hors du temps, et qui donne force de chair au Nous :
« Nous sommes nus quelque part sur l’île rouge du cœur
Et nous exerçons nos lumières
comme des foudres amantes
essayant toutes les bourrasques »
Cette « figure de soie cisaillée », à la fois « beauté impossible » et instance guerrière, offre à celui qui la saisit un possible renversement : « je suis tes yeux nus ».
Alors « JE » et « TU » s’élèvent, dans ce pouvoir transmué du Verbe, au rang des majuscules, et nous avons un véritable visage, ce « VISAGE D’ETOILES COUCHEES DANS / LEUR NUIT ».
Alors l’éternel retour n’est plus condamnation à vivre : nous pouvons voir la révolution d’un soleil « fort jusqu’à l’envers de l’abîme » et qui, au terme de sa course, fait émerger dans « le poème cloué à l’état de rêve » ce « OUI POUR TOUJOURS ET TOUJOURS OUI ».
Ainsi à l’heure où le regard contemporain s’épuise en spectacle, Vivre à la hache est un recueil qui possède cette dimension rare de la profondeur, et qui nous exhorte de façon magistrale à trembler comme à polir, à travers les épreuves d’un héraut brûlé par le feu sacré, notre diamant intérieur.
La chronique de Sophie Brassart sur le site Recours au poème.

C’est au poète méprisé, à l’auteur de Poèmes mortels, Poèmes pour toute mémoire et De colère et de haine, que Nicolas Rozier rend justice aujourd’hui. À celui qui voulut vivre et faire vivre sa poésie au prix d’une vie de paria, de « vagabond d’un Monde absent » comme il le dit de lui-même.
« Je suis l’inutile témoin de moi-même / Et de ma solitude dont je ne comprends pas / Le bonheur inhumain ». Avec des mots simples et de manière presque banale, Prevel dit un mal-être qui manque de rage, comme si quelque chose l’éloignait de lui-même ou le laissait en suspens dans l’entre-deux de la présence et de sa négation. Des poèmes qui ne rencontrèrent qu’indifférence. « Il y a je ne sais quoi de déchirant dans vos poèmes, qui me semble grand. Il y a aussi, il me semble, je ne sais quelle indolence ou quelle paresse – quelle incoordination – qui les empêche de prendre toute leur grandeur », lui écrivit Jean Paulhan. « Que reste-t-il à donner quand on est le fantôme / Qui lève sa main de brouillard ? » C’est cette façon d’écrire au plus près de l’inconsistance d’exister qu’accompagne Nicolas Rozier de sa langue métallisée, tout en somptuosité incisive et en approche fraternelle.
Richard Blin
jacques prevel, poète mortel de Nicolas Rozier
Préface de Zéno Bianu, Éditions de Corlevour, 64 pages, 13 €

Richard Blin. Le Matricule des anges, N°174. Juin 2016.
Pierre Dhainaut, à propos de L’Astre des anéantis, 01/09/2012

Jean-Yves Masson, Le Magazine Littéraire n°516 – Février 2012.

POÈTE RARE
Cette prose d’effarement est l’oeuvre d’un écrivain et peintre qui pratique l’art du reflet. En effet, ses acryliques comme ses écrits sont d’une même encre, trempée dans le « lyrisme des affres ». Son Tombeau pour les rares (Editions de Corlevour, 2010) assemblait vingt-sept portraits comme un « rébus d’apocalypse » où étincelaient d’une lumière noire les noms de Luc Dietrich, Jean-Pierre Duprey, Unica Zürn, Colette Thomas ou encore Paul Valet. Des noms errants qu’il convient d’attraper au vol, athlétiquement, puisqu’aucun effort n’a été réalisé pour qu’ils soient rendus visibles, accessibles ainsi que sont les livres qui s’éternisent sur les rayonnages, sans profit durable pour le lecteur.
Nicolas Rozier nous est fraternel au même titre qu’Antonin Artaud sur lequel, à propos d’un de ses dessins, il écrivit L’Ecrouloir (Editions de Corlevour, 2008). C’est donc un poète rare, habité par le refus de céder à l’emprise des mercenaires, de succomber au temps de la vanité, cette époque dont il contemple les ruines et que son style, d’une suprême élégance, résume en forme d’abîme. De phrases effilées en traits aigus, Nicolas Rozier déchire toutes les gangues d’apparence qui composent désormais ce qui reste d’êtreté pour nous faire voir, d’un tout autre regard, « la trognerie débinée du trombinoscope mondial ».
On le croirait répugné, gravement atteint de renoncement. Il n’en est rien et c’est la force poignante de cette prose. Alors qu’il décrit l’homme médusé, les forêts déclassées, « le pli de catastrophe » sous le ciel bleu, sa parole espère. Elle appelle l’enjouement, la bonté, l’amour. Elle redonne vie à ce qui est mort. Elle insuffle, comme le retour du grand air nietzschéen, un pointillé de possibilités, l’énergie de l’arbre, la puissance de tout cœur. Seulement l’hypothèse est étroite, de plus en plus étroite, et suspendue à des rages. « L’astre des anéantis est une suffocation qui respire ».
Guy Darol, Le Magazine des Livres, juillet/août 2011.

Je viens de terminer une première lecture comme une première traversée de L’ASTRE DES ANEANTIS qui n’est pas de tout repos tant les orages grondent et roulent de tous côtés…
J’ai d’abord été surpris par cette tornade de fulgurances sur la « ville » comme une offensive spectralisée jusqu’à l’abstrait… Ces labyrinthes de morts vivants où se meuvent la mort dans la vie et la vie dans la mort dans la coulée lente de l’agonie généralisée…
J’ai noté au fur et à mesure beaucoup de passages d’une intense lumière à relire et à entendre dans ses extrêmes ramifications de sens...
Au milieu de cette armada de mots tendus, j’ai retenu certains traitements de thèmes qui m’ont infiniment touché comme: « L’arbre a tout vu, il était là, au moment éternel, il y est toujours. » car comme toi, je le considère comme « ce totem absolu » immédiatement et irrémédiablement détruit par la lumière noire de l’humain dans son destin mutilatoire de la vie où se joue cet éternel drame aveugle de « la souche (…) n’est pas le reste d’un arbre mort mais la naissance d’un arbre détruit » et où « si chaque arbre est l’envoyé d’un cri, chaque souche est l’arrachée d’un cœur »…
Or, c’est bien là, comme tu le pointes, que se résume toute l’inutilité de l’espèce humaine sur terre avec « L’homme médusé (…) sent la fin proche si un quartier d’absolu tarde plus longtemps à se dresser devant lui »…
J’ai aussi apprécié cette remise au terrier de l’esprit du renard réel après de siècles de personnification débile due au lubrique fabuliste…
Mais, il y a surtout ces pointes extrêmes aux frontières métaphysiques qui me touchent infiniment comme: « les cœurs tués sont des poignards pour le néant », ou « à mi-corps de la vie et de la mort, sur cette ligne de front où la mort reste de la vie éclatée », ou « l’offensive de la douleur vidée de ses cris », ou encore « c’est tenir, droit et désintégré »…
Par ailleurs, on peut déjà entrevoir de nouveaux chantiers à ouvrir sur « la peinture » avec cette extraordinaire question: « Et si le peintre ne peint plus à la souffrance, à quoi peint-il donc ? »…ce qui peut s’appliquer aussi à la « poésie » et au « poème » avec: « Le héros peintre ne fait pas la file des bons tableaux, il vit dans son tableau retrouvé. »…
Et aussi ces très beaux passages sur Vincent Van Gogh et cette mise en avant, trop brève, du « dessin » comme acte pur de vie vraie…
Enfin, « le visage » qui se démultiplie à l’infini en traversant ton livre pour s’engouffrer dans l’énigme de la face où – pour ma part – j’ai creusé comme un damné sans jamais toucher le fond de l’origine et où tu lances: « le débit des coups a fini par ouvrir entièrement le visage » et « mais je nomme visage ce qui prend face au bout de mes bras fantômes »…et cela me réconforte qu’un même objectif – par un autre cheminement – soit un enjeu majeur et définitif de l’expérience intérieure dans le sens où nous l’entendons…
Amitiés
José
Puisque: « Une amitié, ce sont deux douleurs approchées qui ne se demandent rien mais échangent cette courtoisie au couteau qui a traversé les égouts baroques du monde »…
PS: Je me retrouve très bien dans ce mode de respiration innée où « l’astre des anéantis est une suffocation qui respire. »…
José Galdo, à propos de L'Astre des anéantis, 01/10/2011
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