Journaliste littéraire, écrivain et chroniqueur musical, Guy Darol collabore à Libération, au Magazine Littéraire, au Magazine des Livres, à la Revue des Ressources, à Muziq, à Jazz Magazine... Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages (romans, essais, dictionnaire, chroniques, poésie, études...). "Une prose trépidante" (...) Et j’entendais vibrer en te lisant l’équivalent des pièces les plus éruptives de Ligeti, les lignes hachurées et coupantes de Schoenberg dans ses œuvres pour piano. C’est donc une polytonalité de sons jouant en saccades de rythmes, et un dripping de plaies saignantes, de bosses bleues et noires. Un opéra où le vocabulaire, le phrasé, composent un récit secret remarquable derrière l’échappée en dérive d’une nef des fous aussi évocatrice de Bosch que de Penderecki, de Stanislas Rodanski que de Jean-Daniel Fabre - sans oublier Stig Dagerman et ses brûlures. Le roman n’étant plus qu’une forme marchandise trompeuse depuis jolie lurette, ton livre s’impose immédiatement pour moi comme un phosphore de chance, une étincelle de revie. La littérature bouge encore dans les remous et tourbillons de D’asphalte et de nuée. Où la jeunesse n’est surtout pas prétexte à fiction de l’enfance en âge d’or. Il n’y a guère que certains récits de Michel Bernanos ou de William Golding pour peindre le versant anthracite du paradis vert. Deux écrivains ont à mon sens relevé le roman en l’extirpant de la simple intrigue. Ce sont Julien Gracq et Maurice Fourré. Tu appartiens à cette fraternité de plume et de griffe où se combinent tous les éclats d’une prose qui se souvient des ressources de l’analogie dont le poème est la matrice. (...) Ton livre est fait d’une riche matière qui appelle de multiples lectures, fécondes je pense, élogieuses je l’espère.
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POÈTE RARE Cette prose d’effarement est l’oeuvre d’un écrivain et peintre qui pratique l’art du reflet. En effet, ses acryliques comme ses écrits sont d’une même encre, trempée dans le « lyrisme des affres ». Son Tombeau pour les rares (Editions de Corlevour, 2010) assemblait vingt-sept portraits comme un « rébus d’apocalypse » où étincelaient d’une lumière noire les noms de Luc Dietrich, Jean-Pierre Duprey, Unica Zürn, Colette Thomas ou encore Paul Valet. Des noms errants qu’il convient d’attraper au vol, athlétiquement, puisqu’aucun effort n’a été réalisé pour qu’ils soient rendus visibles, accessibles ainsi que sont les livres qui s’éternisent sur les rayonnages, sans profit durable pour le lecteur. Nicolas Rozier nous est fraternel au même titre qu’Antonin Artaud sur lequel, à propos d’un de ses dessins, il écrivit L’Ecrouloir (Editions de Corlevour, 2008). C’est donc un poète rare, habité par le refus de céder à l’emprise des mercenaires, de succomber au temps de la vanité, cette époque dont il contemple les ruines et que son style, d’une suprême élégance, résume en forme d’abîme. De phrases effilées en traits aigus, Nicolas Rozier déchire toutes les gangues d’apparence qui composent désormais ce qui reste d’êtreté pour nous faire voir, d’un tout autre regard, « la trognerie débinée du trombinoscope mondial ». On le croirait répugné, gravement atteint de renoncement. Il n’en est rien et c’est la force poignante de cette prose. Alors qu’il décrit l’homme médusé, les forêts déclassées, « le pli de catastrophe » sous le ciel bleu, sa parole espère. Elle appelle l’enjouement, la bonté, l’amour. Elle redonne vie à ce qui est mort. Elle insuffle, comme le retour du grand air nietzschéen, un pointillé de possibilités, l’énergie de l’arbre, la puissance de tout cœur. Seulement l’hypothèse est étroite, de plus en plus étroite, et suspendue à des rages. « L’astre des anéantis est une suffocation qui respire ». Guy Darol, Le Magazine des Livres, juillet/août 2011. |
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