L’énergie de l’écriture de Nicolas Rozier est un grand élan fraternel qui empoigne le lecteur dès la première ligne et ne le lâche plus. On entend dans cette prose imprécatoire et incantatoire une tessiture, un genre de voix qui ne s’est plus fait entendre avec cette intensité dans la poésie française depuis Le Grand Jeu, depuis que se sont éteints les espoirs qui faisaient de la poésie la quête utopique de l’unité d’être. Il faut croire que la braise couvait encore : voici que la flamme se ranime, cette flamme dont brûlent ceux qui ne se résignent pas à la tyrannie du vulgaire et de la banalité. L’Astre des anéantis les éclaire. Il est fait d’un alliage de « toutes les noblesses pulvérisées ». Dans l’une des proses incandescentes de ce livre, il brille au-dessus de « l’armée des arbres », torturés par le fusain du peintre qu’est aussi Nicolas Rozier, se réclamant d’Artaud (auquel était dédié son précédent livre, L’Écrouloir, chez le même éditeur) ou de Jacques Prevel. Il pourrait aussi bien se présenter comme un héritier du poète-graveur William Blake, chez qui la vision est une ascèse productive, une protestation adressée au monde contre l’avilissement de la dignité la plus haute de l’homme qui est le pouvoir d’inventer, sans consentir aux séductions mensongères du matérialisme. Poète et peintre né en 1971, Nicolas Rozier a rendu un magnifique hommage aux écrivains qu’il aime en réalisant il y a deux ans une série de 27 grands portraits imaginaires. Le catalogue de l’exposition, intitulé « Tombeau pour les rares », est disponible chez le même éditeur, accompagné de 27 textes d’écrivains invités par Nicolas Rozier à choisir un auteur dans la liste de ses poètes de prédilection. Jean-Yves Masson, Le Magazine Littéraire n°516 – Février 2012. |
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