De Jacques Prevel (1915-1951) on ne retient que l’amitié avec Antonin Artaud, à qui il avait envoyé des poèmes que ce dernier disait aimer. Leur rencontre, en mai 1946, fut, pour Prevel, une véritable illumination, suivie d’une vénération qui dura jusqu’à la mort d’Artaud, en mars 1948. Il avait enfin trouvé « un homme assez pur pour (l’)éprouver tout entier / Un homme assez fou et assez vide de sens pour (le) comprendre ». Avant de le rencontrer, écrira Prevel, « je n’étais rien aux yeux des autres et il me semble qu’ils cherchaient par tous les moyens à m’humilier ». C’est au poète méprisé, à l’auteur de Poèmes mortels, Poèmes pour toute mémoire et De colère et de haine, que Nicolas Rozier rend justice aujourd’hui. À celui qui voulut vivre et faire vivre sa poésie au prix d’une vie de paria, de « vagabond d’un Monde absent » comme il le dit de lui-même. « Je suis l’inutile témoin de moi-même / Et de ma solitude dont je ne comprends pas / Le bonheur inhumain ». Avec des mots simples et de manière presque banale, Prevel dit un mal-être qui manque de rage, comme si quelque chose l’éloignait de lui-même ou le laissait en suspens dans l’entre-deux de la présence et de sa négation. Des poèmes qui ne rencontrèrent qu’indifférence. « Il y a je ne sais quoi de déchirant dans vos poèmes, qui me semble grand. Il y a aussi, il me semble, je ne sais quelle indolence ou quelle paresse – quelle incoordination – qui les empêche de prendre toute leur grandeur », lui écrivit Jean Paulhan. « Que reste-t-il à donner quand on est le fantôme / Qui lève sa main de brouillard ? » C’est cette façon d’écrire au plus près de l’inconsistance d’exister qu’accompagne Nicolas Rozier de sa langue métallisée, tout en somptuosité incisive et en approche fraternelle. Richard Blin jacques prevel, poète mortel de Nicolas Rozier Préface de Zéno Bianu, Éditions de Corlevour, 64 pages, 13 €
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