SANS TITRE
Pourquoi s'épargner d'investir son commun dans un lieu qui accueille le rare. Et sur quoi doit-on s'appuyer pour se bâtir une authenticité ? Je ne savais honnêtement pas ce qu'allait être mon sentiment face à la peinture de Nicolas Rozier. Le fait est que j'ai décidé d'effectuer ce voyage au Mans pour me rendre au vernissage de son exposition vendredi dernier dans cette imposante Collégiale - Saint - Pierre - La Cour. Et j'ai été saisi, happé d'emblée. Certes, les photographies reproduisant les toiles sur Facebook me montraient un aspect de son travail de peintre qui avait mon adhésion. Mais là ... Cet enchaînement de couleurs leur conférant une mobilité, dont le vif défie constamment le cadre, sonde nos yeux ; leur demande de le transmettre à la mémoire ; nous entraîne vers une sortie qui, quoiqu'en mal de "par ici " n'est plus régie dans la permanence de son agitation, par ce qui, en haut, à gauche à droite ou au milieu, évoque une dominance paraissant se soumettre au désordre. Prégnant. Prodigieux. La plurielle cohérence du sublime. Cela vous atteint en arrêtant le fouet qui s'incline devant ce multiple affirmant sa vigueur ; et le bras qui allait vers l'horizontal de la frappe, de se laisser tomber en signant son "Hélas". Et cette main embryonnaire tendue vers une attente. Fébrile appel à la délivrance soutenue par la suspension du trait - précis jusqu'en son inachevé - cette peinture n'évoluant plus sous la dictée, nous assure que tout ne tient pas dans l'arbitraire étroit auquel les jours que nous tentons de vivre cèdent leur indépendance. Les nombreux " Sans Titre " qui légendent ces toiles, soulignent particulièrement la démarche d'un artiste dont le "choisi" s'inscrit dans l'épreuve répétée, harassante - mais ô combien riche en élévations - du ressort sans cesse renaissant du créé. Démentir le bas visible paraît être la devise sans relâche de cette peinture. L'ouvert ici se fait au-delà de tous les vents. Au sein de cet ardent périple pictural des œuvres de Nicolas Rozier, existent autant de composantes de la dénégation que de recherches pour la démentir. Ainsi cette exploration trouve son accord dans un désordonné farouche ; dans une fluidité emprisonnée dans un chant ininterrompu ; un accord qui se détend dans un projeté qui embrasse l'obstacle. On y sent cet effort à ce qu'il se maintienne dans la durée. La sauvagerie qui le nomme attire à elle la volonté de sauvegarde. S'il est une peinture qui illustre la brutalité du chaos qui nous plombe en ce siècle supposé avoir atteint sa majorité, c'est bien celle-ci. Les couleurs n'y hurlent pas gratuitement. Leur recommencement comprend cet agir du désir ranimé du nouveau. Je suis trop ignorant des arts plastiques et de leur histoire pour pouvoir asseoir la forme exacte d'un avis ; ne roulant que sur le peu, je ne puis que faire respirer l'émotion qui m'étreint et dont on devine parfois ce qu'elle recèle dans son taire sans secret. Cet artiste, Nicolas Rozier, quinquagénaire, peintre, romancier, poète, essayiste, n'entendra jamais en lui rabattre le volet de l'enthousiasme. Son écriture, quant à elle, échappant résolument aux critères définis actuellement par la "tendance", s'est aisément coulée depuis un temps certain dans mon admiration. Que nous soyons toutes et tous sujets à une incapacité a parfaitement formuler les gammes de nos impressions, c'est ce qui identifie notre fragilité en même temps que notre juste entêtement à la combattre. C'est là, principalement, ce qui m'a habité à la découverte de la peinture magnifique de Nicolas Rozier, dont j'estime que le caractère allégorique exprime une solide proximité avec les aspirations légitimes qui jalonnent le parcours d'une existence qui se veut humaine, et que les forces de tout pouvoir s'acharnent à poignarder. Cet acharnement, cet arrachement prévalant à ces toiles s'obstinent à vouloir s'offrir un voyage sans billet dans l'oeil du visiteur, et y parvient aisément. C'est tout un rêve qui entend émerger de lui-même; qui entend s'atteindre dans un réel résolument opposé à celui qu'on nous fabrique sans qu'il nous soit permis d'émettre une objection. Nul doute que perce dans ce paysage effervescent et inaccoutumé la définition vraie - au niveau de son espérance - du terme liberté. Si haute qu'elle s'adresse encore à notre inconnu. Nicolas Rozier : Un artiste qui creuse pour s'élever toujours davantage." Patrick Trochou Exposition de peintures et d'encres sur papier,
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J'ai achevé la lecture de ton roman de "mésaventure", "D'Asphalte et de nuée", et je me suis vu sorti de ce bain de prose remuante bien rasséréné, avec la ferme conviction que ton imaginaire trouve dans cette forme de texte un terrain de jeu dense et idéal. Ce qui me plaît dans cette œuvre tient dans les environnements que tu ne cesses de décrire et dont les métamorphoses servent autant d'enveloppe que de parcours aux figures cherchant l'incarnation que de berceau au travail de ton écriture. Narwik paraît moins un bagne clandestin qu'une maternité des oubliés où quelques individus réunis par la force de l'abandon égrènent en eux et entre eux un tumultueux désir d'arrachement. Cette poussée constitutive du récit conduit ton texte à épouser la richesse la dynamique du roman d'initiation, genre dont le maniement précis des codes rappelle combien il permet d'exploiter intensément le caractère des personnages pour leur faire éprouver le pire et le meilleur d'eux-mêmes. Ces ombres cherchant à faire lumière de leur condition, quel qu'en soit le coût, ne se doutent pas que fuir ne leur servira jamais à rompre avec l'étanchéité du corps. Les paysages défilent, les aspirent plutôt, se teintent du reflet de leurs humeurs, jusqu'à l'inéluctable, dépeints grâce à un style plein d'acuité dans lequel je reconnais une gémellité avec ton œuvre picturale. Tu y requiers la même violence et le même éclat, puis tu t'efforces constamment, mots après mots, touches après touches, à déployer l'étagement des nuances de matières et de tensions dont ils sont faits.
Je reconnais bien évidemment certains emprunts- ton goût pour la série B, ses fulgurances esthétiques et rythmiques, ton attachement aux ambiances mystérieuses, à l'équivoque de certaines atmosphères mais aussi aux charmes luxuriants de l'utopie - mais ceux-ci sont plus le point de départ de (mes) rêveries personnelles que de références explicites- l'économie carcérale et l'époque de dépossession au début que commente ta description des cachots, des salles de torture et des jeunes aux abois m'ont autant fait songer à "Zéro de conduite" qu'à certains films d'Emilio Miraglia, de Sergio Martino ou de Dario Argento; pensées qui me reviennent avec l'évocation d'un obscur réalisateur italien, à la fin aussi dans les salles secrètes et menaçantes de la demeure de Rosalba, lieu également propice aux cérémonies rappelant presque l'exotisme de palais antiques tels qu'ils sont représentés dans certains péplums ou films de science-fiction. S'appuyer sur ces motifs et garder intacte ta fonderie de langage est une des forces de travail que tu mènes, car non content de donner au fond du roman sa nature de sujet concret, de permettre au lecteur de s'y accrocher, tu affirmes et remets au centre de l'écriture l'enjeu de trituration de la langue. Le titre résume assez bien ce parti pris d'ailleurs, l'éternelle opposition du sol au ciel te place dans la filiation "post-romantique-parnasso-décadente" qui n'est pas usurpée.
Pour autant les changements de tonalité sont bien présents. L'arrivée à la montagne, par exemple, est un passage particulièrement intéressant où, moins soumis à la pression, les personnages commencent à se singulariser. La rencontre avec l'explorateur, assez belle, presque irréelle, à la faveur d'un bivouac nettement amélioré, te révèle sous un autre jour, et il ne me semble pas t'avoir déjà lu sur un ton allant vers l'humour, l'incongru voire le burlesque. Cette légèreté soudaine ne sacrifie pas pour autant la précision du vocabulaire et la minutie habituelle avec lesquelles tu composes les images. Tes descriptions enivrantes de la montagne renouent avec la grande tradition humaniste et romantique qui voyait dans ces jardins d'altitude situés entre les fonds de vallée verdoyante et la face décharnée des cimes, de vrais havres de paix. Je connais bien ces territoires, leurs représentations stéréotypées, leurs puissances symboliques...Nulle surprise de te voir aussi utiliser les ingrédients du conte, autre genre important au sein duquel s'épanouissent les récits d'initiation, et en transposer l'énergie que ce soit pour caractériser les personnages - Rosalba dans ses rôles de veuve, de nymphomane, d'artiste et de prêtresse-, donner quelque horizon à l'histoire- la promesse d'initiation d'Henkel- ou créer l'action pure- l'attaque de l'ours.
Sacrée palette que ce roman dont je félicite la fraîcheur, qui pourrait néanmoins paraître difficile à suivre tant le cheminement à l'aveugle et le brouillard affectif qui impactent la petite troupe charpentent les pages. Bel assemblage de mots, belle suite de justes compositions, d'osmoses, qui ne cèdent jamais la structure du roman -bien saillante- contre d'absconses abstractions. J'ai toujours aimé te lire dans la prose. Ton appétence pour quelques personnes comme Artaud, Prevel ou Giauque, cette faculté qui t'est propre à mettre ton écriture au service de l'acharnement et du péril avec lesquels ils ont traversé leur vie, composé leurs œuvres, je la retrouve ici à portée des personnages, nourrissant leur contradiction d'aspirer aussi haut et de rester aussi bas, les faisant vivre leur liberté comme un sursis, comme une amplitude à la violente élasticité. Ce creuset de vallée aux atours séduisants devient le théâtre de leur tragédie rappelant qu'on ne se défausse ni des matières, ni du passé; nous sommes faits.
J'ai été agréablement surpris par le résultat de ce travail éditorial. La couverture en jette, mais nous avions je me souviens déjà discuté de l'importance et de la liberté de faire éclater ta peinture de cette manière. Le format du livre et la mise en page sont très bien, la police, la taille des caractères, l'en-tête ont été travaillés, pesés et choisis avec soin. C'est agréable à manipuler et à lire.
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