![]() Nicolas Rozier L’île batailleuse : Koenig déserte avant qu’une mutinerie n’éclate dans un commando de la légion étrangère en Afrique. Il rejoint l’Ouest de la France, où il est amené, par des rencontres successives, à s’associer à une étrange colonie de peintres qui ont fui leur mécène. Les éléments de vraisemblance s’effacent peu à peu ; on entre dans le décor d’une fiction traversée par les mythes construits autour des peintres qui orienteront la force brutale du héros vers la création artistique. Le monde labyrinthique et disloqué proposé par Nicolas Rozier est flouté, indéfinissable. On y voit émerger la périphérie d’une petite ville à l’abandon après des bouleversements dont on ne connaît pas la cause, la nature est à la fois tropicale et jaunissante. L’initiation artistique et la quête d’une esthétique nouvelle se déroulent dans un décor de Mad Max bocager, « une île inconnue des mappemondes où une colonie d’artistes a migré ». La recherche de ce qui se révèlera plus qu’une esthétique se fait dans une ambiance de mystères. On songe à Conrad, Au cœur des ténèbres, aux films comme Blue Velvet, ou Eyes wide shut, voire, quand la question esthétique devient plus prégnante, à Tarkovski, sans que soit toutefois abordée la question métaphysique. On s’attend à un discours de la transgression qui pourrait être induit par le caractère du héros et par celui de son futur maître, géant lui aussi drogué à la pervitine, la drogue des combattants nazis, mais on s’oriente vers le rêve d’une œuvre où l’imaginaire fait irruption et se donne paradoxalement comme fondement du réel. Surréalisme ? Pas exactement. Dans un univers post-punk- (Rozier affichant son intérêt pour les groupes Wire et Buzzocks) - on rencontre, à la place, des extases milleriennes, un discours vitaliste de l’intensité, proche de celui de Despentes, de Limonov, et de ses épigones, ou de Carrère-Limonov ou encore de Basquiat. Comment savoir en effet ce qui peut encore avoir du prestige quand les liens sociaux ne sont plus que ceux d’une petite communauté qui se construit autour de mythes communs ? La violence, le combat sont seulement métaphoriques, mais il s’agit d’un véritable plaidoyer pour la pulsion créatrice sans formation initiale. La qualité essentielle de cette île batailleuse c’est le caractère débridé de l’imaginaire déployé jusqu’à l’étonnante et presque décevante apparition finale, tant il avait été promis. Tout le reste tient dans une capacité métaphorique très curieuse, étonnamment créative bien qu’elle ne refuse pas l’ironie.
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